Chapoullié Blog

Le livre qui ne voulait pas s'effacer

Category: 1000 et une pages

De la forêt magique

Tout cela est vécu, dans les montagnes du Sri-Lanka,

1-Le Bus Magique_TIV0368

on peut se croire projeté dans la quête de poétiques desseins, enivré de ces mille virages étourdissants,

2-Le virage enchanté_TIV1584

propulsé dans un conte de Tolkien, un vrai, avant qu’il ne soit détruit par les simplifications du market, on se retrouve envouté de brouillards enchantés peuplés d’arbres magiques,

3-Elle s'éloigne.AND4191

forêts qui s’ébrouent de la pluie de musique, portées de parapluies, cahiers de vert, ou s’active un peuple d’Elfes, végétal, dans ses montagnes en jardin de thé.

5- Elfes orange_TIV4879

Tout cela compte ou plutôt se conte, car cela reste mystérieux.

4-La Porte-TIV4873

Sri Lanka 2012. Mille et une page. Avec Thierry Wasser pour Guerlain.

Utaṉē, உடனே, See you soon.

Just back from India, and Sri Lanka…

1--_TJV6822©Chapoullié

 Des images plutôt que des mots, qui, eux, viendront après, will see.

2--_IND32431©Chapoullié

Compliqué de dire ce chaos serein, étrange oxymore, ou les gens sont des paysages, le mouvement perpétuel, impossible de ne rien voir surgir ou que se pose le regard, les vaches libres parmi les humains, la spiritualité luxuriante, les camions fous aussi agiles que des singes, les enfants en uniformes impeccables et les ordures comme des fleurs sur les talus.

3.Le nouveau Monde de LeWhite

Il faut savoir lâcher les mots, mes images comme des chansons, un chaï bien brulant dans une tasse.

4_TIV1489©Chapoullié

1000 et une pages.

Inde. Sri-Lanka. 2012

Live from Colombo

Spécial dédicace to my friends from Colombo.

Colombo

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Spiderman

Sri-Lanka 2012. Colombo. 1000 et une pages.

Le Grand Panoramique

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Le grand panorama, immense, démesuré, de saris dans tous les champs, de visions comme de campagnes, routes, murs, villes, multiplex de couleurs et de sourires, panoramique perpétuel d’affiches gargantuesques sur les routes du Kerala.

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 Une sorte de Land-art qui s’ignore, un temple ouvert à la féminité ( et au mariage )…

Une célébration qui ne fait plus oublier le problème récurrent de la violence extrême faite aux femmes, particulièrement vulnérables dans les transports publics.

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1000 et une pages. Avec  Thierry Wasser pour Guerlain . Inde 2012.

On the road encore

On the road toujours

Back to Tamil Nadu, Kerala, Chennaï, Coimbatore, Maduraï….

A fond, toujours à fond, à donf et gare à tes miches.

 1-IND4539©Chapoullié

Fermer les yeux au moment ou le camion d’en face vous fonce dessus et qu’il ne reste plus qu’une ou deux secondes avant que les chauffeurs ne se rabattent, le plus gros étant le plus confiant.

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Ou alors se rappeler que par bonheur il y a de nombreuses divinités protectrices par ici, et que même les fleurs protégeant  les carcasses d’acier des bus et des camions, parviennent, … le plus souvent, à veiller sur nous autres, passagers.

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1000 et une pages. Avec Thierry Wasser pour Guerlain. Inde 2012.

Une histoire de 1000 pages

Il faut que vous mettiez une musique dans votre tête.

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Comme dans un film. Car c’est un film, un roman, qui va durer longtemps. J’aime les livres de 1000 pages. On sait, quand on le commence, qu’on va y vivre longtemps, dans cet univers.

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C’est une histoire de rikshaw, d’arbres, de klaxons, de saris, d’Ambassadors, de petits-grains, de terres, de tempêtes de sable, de moussons, de senteurs, de costumes impeccables, de graines, de temples, de pieds nus devant les dieux, de routes, de phares, de lunes, de terres, d’absolu, d’absolus.

Voiture

Ça commence comme ça, en Inde.

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 Du côté de Cochin, Kochi, Kerala, de là ou sont venus tout les épices qui remplissaient les cales des caravelles, les Indes. Il y a bien, longtemps, ça à fait des fortunes, des aventures, des guerres, des mariages, des incendies, des pays conquis, et aussi de nouveaux goûts, des fleurs, des couleurs, une terre de parfums.

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Inde. Kerala. 2012

1. Premiers jours.

Cape Town, un dimanche, 5h du matin

Sans doute après une nuit de sortie amoureuse, ce jeune couple vient profiter de l’aube sur Signal Hill.

En dessous la ville cachée, qui dort encore, puis la mer, et là-bas, Robben Island, l’ile pénitencier ou Mandela et ses camarades ont passées des années longues comme des vies. Nombreux sont les habitants, promeneurs, amoureux, touristes, qui viennent profiter du paysage et tous, je l’ai remarqué chaque fois, sont saisis par l’idée de ce qu’il s’est joué là, si près. Et de ce qu’on doit à ces hommes. Comme un pèlerinage.
J’ai longtemps attendu cette photo, celle qui pouvait raconter la qualité du silence si particulier qui règne là.

1998, sept ans après la fin de l’apartheid, quatre ans après l’accession de Mandela au pouvoir, je me trouve à Cape Town pour présenter une exposition de photographies.
Mandela, la lutte héroïque contre l’apartheid, Soweto, les manifestations dansées, chantées, Sharpville, le mythe zoulou, la littérature sud-africaine, la musique bien sûr en forme de résistance, toutes ces images étaient dans ma tête, accompagnées d’autres, celles de la démocratie naissante : les interminables files d’attente pour le premier vote, la liberté toute neuve…, voilà ce que je me préparais à découvrir.

Armé de la biographie de Nelson Mandela, Un long chemin vers la liberté et d’Un acte de terreur d’André Brink, je voulais aller voir, voir le pays plus loin que la belle vieille ville coloniale et moderne du Cap, où l’air de la mer est si puissant…
L’océan à l’air si sauvage là ou l’Atlantique et l’Indien commence à s’entremêler, qu’on comprend pourquoi les caravelles de marchands eurent besoin de souffler dans cette baie magnifique, hypnotisés comme des papillons de nuit par le totem de la montagne de la Table. On a beau avoir été prévenu de la singularité de cette montagne, lorsqu’on la découvre avec la ville à ses pieds, oui, il s’agit bien d’un totem. Une sorte de rencontre du troisième type.

Me voilà donc dans « The Mother City ». Mais je veux aller voir plus loin. Ne serait-ce que de l’autre côté de la montagne, voir autre chose que la ville blanche où je suis pourtant si bien accueilli, et ensuite suivre la route qui rentre dans le pays, celle qu’ont suivi les trekkers, et m’enfoncer dans le paysage. Bien sûr, là-bas tout le monde m’a averti : attention, ne voyage pas seul, ne prends personne en stop, ne t’arrête pas, ne roule pas la nuit, ne t’égare pas… Comment ne pas s’alarmer d’entendre ces avertissements répétés à l’envi dans un pays où le taux de criminalité fait exploser la statistique. Où chaque communauté se défie de l’autre tant elles ont été élevées dans la crainte les unes des autres.

Mais à photographier les paysages, aussi magnifiques et telluriques soient-ils, on sent vite qu’on est loin de la vie qu’on est venu tenter de raconter. Alors je suis passé outre à toutes les recommandations de prudence, pour dépeindre l’essentiel, c’est à dire les gens eux-mêmes, leur diversité, et cet étonnant mélange de tensions palpables, de besoin de parler de témoigner, d’Histoire en marche que l’on rencontre partout, même si c’est chaotique, de bon ou de mauvais gré. Et j’ai été frappé par l’ouverture des communautés les plus démunies malgré les énormes difficultés sociales, par la tendresse ou la solidarité dont ils font souvent preuve entre eux et qui se donne à voir dans les images : les gens se touchent, s’embrassent, se prennent par la main au moment de la photo.

J’ai photographié les gens de rencontre à l’aide d’un vieil appareil Polaroïd à soufflet, qui semble plus farfelu qu’intimidant, et qui surtout me permettait de donner immédiatement leur cliché aux gens, photo très exactement identique à celle que j’emportais avec moi sous forme de négatif que je devais clarifier le soir dans les chambres de B&B. Sachant qu’ils repartiraient avec leur portrait, cela leur permettait de poser dans leur gravité ou leur générosité, bien sûr leur naturel, en tout cas leur dignité. Puisque cette photo était la leur. Je n’ai jamais vu, ou presque, un regard qui vacillait devant l’objectif.
Il y avait aussi cette étrange impression de voyage dans le passé, que ces photographies révélaient étonnamment. Dans ce pays qui a été coupé du monde pendant plusieurs décennies à cause de l’embargo d’une grande partie de la communauté internationale, qui ainsi a été maintenu comme sous vide, figé, hors de l’Histoire et de la marche du monde. Un pays qui commence juste à s’ébrouer.

A la vue des premières images, ému d’y ressentir ainsi la vérité des personnes, comme rarement portraits ne me l’avaient fait éprouver jusque-là, j’ai su que je devais continuer et faire grandir ce projet : raconter ce pays à travers les portraits de ce peuple… difficile de ne pas dire : de ces peuples !

Voilà comment je me suis attaché à ce projet, et durant deux années, au tournant du siècle, j’y suis retourné à plusieurs reprises, traversant le pays, photographiant les gens rencontrés, partout où le vent me poussait, dans les villes et townships, maisons et champs, sur la route.
Nulle part, sauf à Johannesburg, je n’ai rencontré d’agressivité. La grande ville, elle, semble en effet bien hors de contrôle d’elle-même. Partout j’ai rencontré défiance puis curiosité, amusement, fierté d’être visité et considéré, besoin de s’expliquer, de raconter, de dire les ressentiments et l’impatience fatalement ; bien sûr de se justifier, de faire entendre sa vérité, si différente en fonction des appartenances culturelles, raciales inévitablement.
Souvent, en observant, je me suis demandé comment cela n’avait pas explosé lorsque le couvercle s’est soulevé. Comment la fin de l’apartheid n’avait-t-elle pas été un déchainement de violence, de règlement de compte et de barbarie renversée ? Que se serait-il passé en Europe dans une telle situation ? La réponse est en partie Mandela. Mandiba, le grand homme.. Mais en voyageant là-bas, j’ai compris que le pardon d’exception qu’il a prôné, le travail de réconciliation, que la paix qu’il a su établir, que cette humanité rare, il l’a puisé dans la nature même de son peuple.

Alors voilà aujourd’hui, le temps d’une coupe du monde, un portrait par jour pour raconter autrement ce pays.

in Le Monde 2010